Écrire ses sentiments
Parmi les motivations qui peuvent conduire à écrire, écrire ses sentiments est une de plus puissantes.
Exprimer ses sentiments
Parvenir à exprimer ses sentiments est un enjeu important de notre condition d’êtres humains. Et pourtant, cela ne va pas toujours de soi. Pour des raisons culturelles, sociales, psychologiques, l’expression de soi est souvent empêchée.
Dans de nombreuses familles, en Occident, on ne parle pas de soi. C’est considéré comme un forme d’impudeur, une boursouflure de l’ego voire une faute de goût. Le résultat d’une mauvaise éducation. Pendant longtemps, cela n’était toléré que chez les poètes, les écrivains, que l’on autorisait à sonder l’âme humaine pour leur oeuvres.
Aujourd’hui, après que psychologie et psychanalyse même se sont largement répandues dans la population à travers tous les médias, ce tabou de l’expression de soi s’estompe. Et pourtant, cela reste difficile d’exprimer ce que l’on ressent. Peur de se dévoiler. Peur de se mette à nu et d’être rejeté dans ce moment d’ouverture à l’autre. Peur que ce magma intérieur sorte sans contrôle. C’est vrai que l’enjeu est d’importance. Et pourtant, garder ses émotions et ses sentiments pour soi, surtout lorsqu’ils sont intenses, c’est abriter un volcan en puissance ou une bête dévorante. Et ne pas parvenir à faire sortir tout cela vers l’autre, c’est se condamner à la violence éruptive ou à l’effondrement de soi.
Oser écrire, tout simplement
Pourtant, il existe un moyen pour faire sortir de soi ce monde d’émotions et de sentiments sans avoir l’impression de se mettre en danger : les écrire, tout simplement.
Écrire, cela permet de rester avec soi. Un sas salvateur avant le pas vers l’autre. Lorsque j’écris ce que je ressens, je peux le mettre à distance, l’apprivoiser, le remodeler. Transformer une créature sauvage parfois effrayante en compagne bienveillante et constructive.
Cela peut prendre la forme d’un journal intime où l’on parle de soi à soi. Nul ne lira peut-être (ou peut-être si, en secret espoir). Écrire ce que l’on a vécu dans sa journée, rapporter ses défaites et ses mille petites victoires rend une cohérence à ce qui n’en a naturellement pas. Qu’elle atténue l’impact du ressenti ou qu’elle caresse l’ego dans le sens du poil, l’écriture est un fil rouge qui permet à l’être de se structurer au lieu de se diluer dans les sensations.
Cela peut également être un récit de vie où, à travers les événements de l’existence, paraissent les linéaments d’une personne, d’une personnalité. D’ailleurs, un récit de vie ne se contentera jamais du factuel ni de l’anecdote. Il serait indigeste, à moins qu’il n’intéresse un historien. Mais il s’adresse généralement à des lecteurs, proches ou un peu moins, mais jamais très éloignés d’une manière ou d’une autre. Et ces lecteurs ont besoin de sentir que c’est une personne qui leur parle.
Et puis la lettre. La bonne vieille lettre que l’on va glisser dans une enveloppe pour laquelle on va choisir un timbre – tout est tellement signifiant – et que l’on confiera à une boîte aux lettres, avec nos espoirs et le début d’une attente pour une réponse.
Ou la lettre que l’on déposera sous la porte, avec une grande respiration.
Ou pourquoi pas, un mail. Avec un peu de chance, le retour sera si rapide – ou pas d’ailleurs. Et alors, bonjour l’angoisse ! – qu’on n’aura pas trop le temps de gamberger.
Je suis assez émerveillée par la longueur et la qualité des lettres que nous échangions avec mes amis ou aimés. Je n’avais pourtant pas, à l’époque, l’impression d’accomplir un tour de force. Le fait est, qu’avec l’avènement du mail, cette capacité à développer et à choisir ses mots et son style dans des échanges sans caractère exceptionnel a disparu au profit d’une expression plus rapide. Les sentiments en ont-ils pâti ?
Écrire pour apprivoiser ses sentiments
Quelle que soit la forme que prend votre écrit, journal intime, récit de vie, lettre, roman… vous y mettrez beaucoup de vous. Parfois même tout votre être. Écrire permet de se découvrir soi-même. Tout ce monde d’émotions que l’on ressent, ces sentiments que l’on éprouve, il est parfois bien difficile de les saisir autrement, parce que l’écriture permet la mise à distance, le recul nécessaire à toute prise de conscience.
Quels que soient votre milieu social d’origine, votre histoire familiale, votre niveau d’éducation ou votre confiance en vous, ÉCRIVEZ !
Vous vous sentez envahis par des émotions informes et dérangeantes ? Écrivez. Vous sentez votre coeur se gonfler d’allégresse par un sentiment puissant, jusqu’à vous faire éclater en mille fragments amoureux ? Écrivez !
Écrivez sur un bout de feuille, écrivez dans un beau cahier, écrivez sur votre ordinateur… mais écrivez. Noircissez toutes ces pages blanches de ces joies, tristesses, amours, paisibles bonheurs ou enthousiasmes débordants qui vous habitent.